La limite des journaux satiriques

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Dans les années 90, j’avais découvert grace à Super Nana, une animatrice radio sur Skyrock, le journal Infos du Monde, un journal de fausses informations, la plupart du temps complètement absurdes et ne laissant pas de place au doute quand au fait que c’était du bidon. Ce journal était la version française du célèbre Weekly World News.

Infos_du_Monde Weekly_World_NewsC’était bête mais pas méchant, et souvent très drôle.

Depuis 2012, un site d’information dans ce genre s’est fait remarqué régulièrement, notamment sur les réseaux sociaux, Le Gorafi. Puis d’autres ont suivi, et on trouve même des sites spécialisés dans la fausse information, sur la musique, les jeux vidéos, etc.

À l’époque, vu la tronche du truc, et vu qu’il fallait le payer, seuls quelques rares personnes se faisaient avoir, et la plupart du temps il suffisait de lire les titre pour comprendre que c’était du bidon.

Aujourd’hui, le partage est fait sur les réseaux sociaux, et pas mal de gens commentent sans même s’intéresser au contenu, et comme avec les sites dit « sérieux », sans essayer de vérifier quoi que ce soit. Ils réagissent au premier degré en se faisant complètement avoir, et passant du coup pour des imbéciles.

Mais il y a quand même un soucis…

Quand on ne voit plus la différence entre les sites classiques et satiriques

Ces sites satiriques se permettent de surfer sur l’actualité, de manière absurde certes, mais sachant que l’actualité de nos jours est tellement invraisemblable, il y a moyen de douter.

Beaucoup de lecteurs partagent et ne vérifient pas (c’est d’ailleurs le sous titre du Courrier des échos), et parmi ces gens, il y a des blogueurs, parfois même des journalistes en mal de nouvelles à proposer à leur rédac chef, et même des personnalités politiques…

Quelques exemples ?

Je vous passerais les exemples que j’ai au quotidien avec des amis qui partagent des news en y croyant vraiment (pas tous heureusement, ils se soignent), comme l’histoire de David Guetta qui annule sa tournée parce qu’il a perdu la clé USB avec le MP3 se son set complet, une info très crédible quand on y pense, mais bon, on se doute bien qu’il met son set sur le cloud (je plaisante !).

Le site Alya Express News avait partagé une fausse information au sujet de Dieudonné et de Woody Allen du Gorafi, aujourd’hui supprimé du site, on peut en retrouve des traces en cherchant un peu. Ils n’étaient pas les seuls à être tombé dans le panneau, l’hystérie et la haine autour de l’humoriste étant ce qu’elle est, on aurait pu partager n’importe quoi.

L’agence de presse italienne ANSA n’avait pas hésité à partager un faux sondage du Gorafi indiquant que 89% des français pensaient que Clitoris était le nom d’une voiture de marque Toyota. Les italiens aiment chambrer les français, c’était trop tentant !

Et, choquant ou hilarant, Christine Boutin citait le Gorafi, sans trop de soucis en direct sur BFM-TV, pas de vérification, mais un besoin de critiquer le gouvernement.

Évidemment la première leçon que donne ce genre de site aux gens peut-être un peu trop crédules, c’est que tout le monde ferait bien de vérifier avant de partager.

Cela arrive à tout le monde de faire un peu trop confiance rapidement, par exemple lorsqu’un collègue vous raconte un truc, vous n’allez pas lui dire « Ah ? Attend je vérifie et on continue cette discussion demain ! », alors on ne peut pas forcément en vouloir à un pote qui partage un truc douteux sans vérifier, mais lorsque le partage est fait par ceux dont c’est le boulot de partager des infos vérifiées, on pourrait les traiter directement d’imbéciles incompétents, avant de les virer à grand coup de pied au cul.

Quand la satire est râté ou se transforme en troll

Parfois, en manque d’inspiration ils sortent même des nouvelles qui pourraient être complètement vraie, comme l’article du Gorafi annonçant des rames de TER trop rapides pour le réseaux SNCF pour se moquer de l’affaire des rames trop larges, mais quand on sait que l’intégralité du réseau SNCF ne peut supporter qu’un TGV circule dessus à pleine vitesse, on se dit que ça aurait pu être vrai. Donc oui on comprend l’envie de faire une blague, même si ce n’est pas très drôle (on ne peut pas toujours être au top), mais surtout c’est limite raté comme fausse news.

Et il y a aussi ces faux articles à travers lesquels l’auteur donne tellement son avis, ou provoque trop tel le « troll des internet », qu’on a envie de le partager pour créer un débat, l’humour n’est plus présent, on se demande si les mecs seraient pas tenté de secrètement vraiment parler d’actu au final.

Philip K Dick aurait adoré cette époque

Avec ces dizaines (centaines ?) de sites de fausse actualité, on fini par penser que soit tout est vrai, soit tout est faux.

Imaginez qu’on prenne un groupe d’individus et qu’on leur donne uniquement des fausses nouvelles pendant 5 ans sélectionnés sur ces sites satiriques, et mélangées avec les vraies, au bout de ces longues années, on leur dit qu’une partie était fausse, mais eux les ont lu, et en ont discuté, etc. Comment faire le tri et les effacer de leur mémoire ? Combien de temps devraient-ils passer à vérifier tout ce qu’on leur a dit, pour savoir ?

Et si en fait, nous étions tous déjà dans un monde ou l’actualité est complètement contrôlée, fausse, et même pas satirique, combien de temps nous faudrait-ils pour vérifier tout ça ?

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