Et si on arrêtait de parler de Wokisme ?
On entend beaucoup de gens parler des « wokes » mais quand on leur demande d’expliquer et de dire précisément de quoi il s’agit, ça devient assez flou.
En septembre 2023 sort le livre « Les Nouveaux Inquisiteurs. L’enquête d’une infiltrée en terres wokes » de Nora Bussigny, le point nous présente à l’époque le livre expliquant que cette dernière s’est infiltré dans le milieu woke sous une fausse identité avec une perruque pour faire plus vrai, oui parce que le woke a les cheveux coloré, c’était assez risible alors que l’enquête se voulait sérieuse.
Les réactions et moqueries seront nombreuses, c’est le jeu quand on s’expose publiquement, en revanche j’admets ne pas avoir vu la moindre réaction des fameux gens du milieu woke qu’elle aurait infiltré, en en discutant avec des amis on s’est fait la réflexion qu’on aurait très bien pu écrire un long article sur le sujet en s’infiltrant sans perruque sur quelques groupes d’étudiants et militants qui ne se présenteraient certainement pas woke…
Nora Bussigny dira à propos du terme woke et du wokisme « être assez prudente sur ce terme, et lui préfère la notion de « progressisme » », pointant en effet le mouvement que veulent décrier les conservateurs sans le nommer, le côté woke à perruque étant un formidable moyen de se moquer du progressisme sans le dire.
Voyez cette publication comme un questionnement et une réflexion personnelle, qui vous aidera peut-être à avancer dans vos propres réflexions je l’espère.
Qui sont les wokes et qu’est-ce que le wokisme ?
Le concept woke ne correspond au départ qu’à une sorte de conscience de l’injustice et des inégalités raciales, le mot woke vient de l’anglais, qui voudrait dire réveillé, éveillé, je le vois comme des gens qui voudraient qu’on arrête de faire semblant de ne pas voir la réalité de tout ça, en ouvrant les yeux. C’est plutôt pas mal comme projet, enfin sauf si on voudrait que personne ne dénonce le racisme peut-être.
Le « wokisme », je ne sais pas précisément qui a commencé à utiliser ce terme, mais rajouter le suffixe « isme » c’est pour transformer un concept en idéologie ou en doctrine, et potentiellement pouvoir le pointer du doigts et le critiquer.
Comme souvent, il y a le sens du mot et son usage qui peut largement différer, si on voulait critiquer un mouvement l’idéal serait de créer une confusion autour du sens, confusion qu’on retrouvera ensuite dans les échanges, et c’est ce que semble faire ce mot wokisme qui est devenu un fourre-tout bien flou mais non dénuée d’intention.
Qu’est-ce qui se cache derrière ces mots ?
Si on se dit que le terme « wokisme » est utilisé pour critiquer, et qu’on considère comme Nora Bussigny que les wokes sont des progressistes, on peut logiquement penser qu’on va entendre particulièrement ce mot chez les conservateurs qui vont l’utiliser pour attaquer tous ceux qu’ils n’aiment pas.
J’ai l’impression que c’est devenu une sorte de construction d’un ennemi fantasmé, on y glissera le politiquement correct, la cancel culture, et puis certaines formes de militantismes, féminisme, transactivisme, les antifas, pourquoi pas certaines religions, bref : on s’adapte en fonction de l’audience. L’important c’est de recruter des gens qui vont répéter ces éléments de langage, cette rhétorique.
On peut parler de syncrétisme, puisqu’on en arrive à mélanger des groupes athées avec des intégristes dans une expression comme « islamo-gauchisme », et même relier le féminisme à l’islamisme (rappelez-vous l’enquête d’Aurore Bergé qui n’a rien donné d’ailleurs), et le pire c’est qu’en présentant ça comme il faut, on peut convaincre les gens que tout ça a du sens, notamment en leur sortant des exemples bien choisis, notamment en récupérant un extrait d’un témoignage, prenant une personne maladroite ou confuse comme un parfait exemple représentatif d’un mouvement pour le discréditer entièrement.
C’est d’ailleurs peut-être en découvrant le concept d’intersectionnalité, c’est à dire le fait de subir plusieurs formes de discrimination, que certans ont pu penser que ça serait intéressant de tout mélanger. L’intersectionnalité peut mener à un combat ou on décide de lutter contre toutes les discriminations, mais est-ce que c’est possible de rallier tout le monde ? Est-ce qu’une femme musulmane en situation irrégulière voudra défiler en même temps pour le droit des homosexuels ? Est-ce que certains groupes féministes seront d’accord pour manifester pour leur cause et en même temps celle des personnes transsexuelles ? Ce n’est pas si simple, et d’ailleurs là aussi, ces tensions potentielles sont tout à fait récupérables par des groupes politiques, il n’est pas rare de voir certaines catégories pointés du doigts comme woke au départ finir par reprendre des éléments de langage anti-woke.
Je vois dans l’utilisation du mot « wokisme » et ce dénigrement constant des méthodes rhétoriques bien travaillées, de la manipulation douce, avec un travail lent et méthodique qui agit en profondeur et sur la durée.
Qui profite de tout ça ?
L’idée est de propager ces concepts, sans chercher à les expliquer, sans précisions, sans nuance, pour les faire répéter à un maximum de gens qui ne savent même pas qu’ils ne font que donner du poids à une idéologie dont ils n’ont souvent même pas conscience.
Un bon moyen pour le faire partager, c’est de provoquer chez ces gens la réactance, leur donner l’impression qu’on les prive de libertés ou qu’on les accuse de quelque chose, une fois victimisée une personne a besoin de se défendre et de trouver du réconfort dans un milieu, c’est là qu’on le récupère, et ce qui est génial, c’est que cette personne se fera traiter de facho par des idiots de l’autre bord pas foutu de voir qu’ils participent eux aussi à consolider cette montée en puissance, puisqu’en accusant et en traitant, ils contribuent à activer ces mêmes mécanismes de défense psychologique.
En fait, c’est du combat d’imbécile comme ce qu’on constate sur les commentaires des réseaux sociaux, des gens disent des trucs publiquement et s’étonnent qu’on leur répondent et ne supportent pas qu’on puisse les contredire par exemple, alors ils vont pleurer qu’ils peuvent plus rien dire (alors qu’ils ont dit ce qu’ils voulaient au départ) et vont vouloir faire taire ceux qui leur répondent, ces derniers vont à leur tour pleurer qu’on peut plus rien dire… C’est sans fin. tout le monde se retrouve à dire précisément tout ce qu’ils dénoncent ne plus pouvoir dire.
Et ça commence à une petite échelle, mais sur certains sujet, ça devient plus gros, et plus violent que de simples commentaires.
Pour le politicien, ces conflits permettent de récupérer des voix, et pour l’instant qui gagne la bataille en France ?
Ce groupe de super méchant islamo-bobo-wokisto-féministo-écolo-progressisto-gauchiste dont les 75 partis qui s’entendent pas dépassent même plus les 30% des intentions de vote ?
L’ensemble de la droite conservatrice qui s’unit de plus en plus autour des mêmes thématiques et qui se partage 70% de l’hémicycle actuellement ?
Finalement, ils existent les wokistes ?
J’aurais tendance à dire non, il y a des wokes historiques mais je pense qu’ils ont abandonné le terme aux conservateurs qui l’ont récupéré et vidé de son sens, presque façon novlangue, allant jusqu’à créer le wokistan, le monde fantasmé hyper dangereux qui n’existe pas, puisqu’on est encore et toujours dans leur monde actuellement.
Alors, est-ce qu’on se dirait pas qu’il faut arrêter d’utiliser ce mot ?
Puisque son sens est devenu flou, si on devait combattre quelque chose englobé par le « wokisme », est-e qu’on gagnerait pas en honnêteté en utilisant un mot précis plutôt qu’en entretenant une confusion qui ne profite surement pas au débat ?
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