Je suis raciste, homophobe, et antisémite. Enfin apparemment…
J’ai souvent compris aux regards de certains de mes collègues qu’ils se demandaient si je n’étais pas un type raciste, antisémite, islamophobe, homophobe, ou que sais-je, parce que j’osais parler de sujets tabous. Vous savez ce regard qui descend d’un coup et qui cache difficilement un certain malaise… Le mot tabou a été prononcé ! Fuyons !
Je parle avec des racistes donc je suis raciste
Alors que je parlais à des parisiens du fait que dans le sud, d’ou je venais, j’avais vu du racisme, avec des mecs qui n’ont pas envie de comprendre, ils veulent pas croire qu’ils font parti du problème, et ils veulent des coupables parce que c’est plus simple, et du coup ils se disent que ça doit être les étrangers.
Non, ça ne m’empêchait pas de leur parler, et parfois même je voyais bien qu’ils n’étaient pas vraiment racistes, qu’ils parlaient des « arabes » alors qu’il s’agissait dans un premier temps de français, et tout simplement des gens avec une culture différente, ou « classe sociale »…
Mais en osant dire que je parlais à des racistes, j’en étais un aussi…
Et c’était encore pire quand je parlais du racisme, et d’une sorte de paranoïa que j’ai constaté chez ce que ceux qui me jugent n’hésitent par contre pas à appeler « des minorités » (commencer par parler de minorité, c’est pas déjà vouloir faire des groupes d’individus ? On est tous égaux oui ou merde ?), comme ce type avec qui j’avais travaillé et qui m’avait dit « Quoi noir ? Y a un problème avec les noirs ? », alors que je parlais d’un style noir (véridique) et qu’il avait mal entendu.
S’autoriser le dialogue avec des racistes est pour certains impossible à envisager. Ils souhaiteraient qu’on les cache, qu’on les interdisent, ce qui serait inutile, empêcher quelqu’un de parler n’est pas l’empêcher de penser. Et je pense même que ça serait dangereux, car les groupes deviendront clandestin, et plus dur à suivre.
Tu parles des juifs sans être juif ? Donc tu es antisémite
Quand j’ai raconté que j’avais vu lors d’un stage dans une entreprise un type qui était juif engueuler un gars parce qu’il avait recruté une arabe, ça m’avait profondément choqué. Cet enfoiré avait pointé cette gentille nana du doigt dans son bureau séparé d’une simple vitre, en disant « C’est quoi ça ? Tu te fous de ma gueule ? », tout le monde l’entendait… J’avais osé dire que c’était la chose la plus islmamophobe de que j’avais vu de ma vie, mais comme ce connard était juif… Ben ça voulait dire que j’étais antisémite pour certains…
Tu parles d’un homosexuel alors que tu es hétérosexuel, tu es homophobe
J’ai aussi un jour parlé avec plusieurs collègue d’un concert que j’étais allé voir, un de mes groupes préféré King’s X, il s’avère que le chanteur est homosexuel, ce qui lui a valu d’être retiré des rayons « rock chrétien », alors que sa musique est profondément inspiré par sa foie religieuse.
J’avais un collègue qui écoutait plein de musique, mais pas mal de rap américain, majoritairement des rappeurs noirs, il m’avait un peu taquiné sur le fait que j’étais peut-être raciste parce que parfois je parlais avec un accent camerounais.
Le type faisais quand à lui régulièrement des blagues qui passerait pour homophobe avec notre chef, qui n’avait pas hésité à se déguisé en nana lors d’une soirée.
Bref, tout ça n’était que taquinerie, car ni lui ni moi n’étions raciste ou homophobe, mais on se cherchait un peu. Surtout que si lui était particulièrement taquin, au point que parfois quand il disait une connerie on ne savait pas si il tentait de se foutre de nous ou non, il n’aimait pas trop qu’on le taquine, ce qui est du coup particulièrement encourageant ;) !
Et donc, pour en revenir à ma discussion après le concert, je lui ai sorti : « Dans ce groupe, il y a un grand chanteur black homo, il t’aurait beaucoup plus ! ».
Autour de lui, il y avaiat un autre collègue très sympa, qui est homo. Et il y a eu un petit malaise genre « oui on sait que machin est homo et tu as dit homo alors euh hein voila euh bonjour. ».
Je n’ai pas rebondit dessus, je les ai laissé dans leur malaise, pour moi il n’y avait rien, je n’ai rien à me reprocher.
Mais voila. J’ai dit homosexuel alors que je suis hétéro, je n’ai pas le droit.
Et pourtant…
Je me souviens des réactions ahurissantes d’enfants qui savaient à l’avance qu’un nouvel élève allait arriver à l’école et qu’il était arabe (Abde, je sais pas ce que tu deviens, mais salut à toi !), et qu’il faudrait pas lui parler. Je me souviens que la semaine d’après on rentrait avec cet Abde chez un autre ami, on se gelait les burnes, on se mettait les mains dans le feu, on buvait la gnole de pomme de terre du type…
C’était le premier « arabe » (un français en fait) de l’école. Un événement.
Deux ans plus tard, j’apprenais autour d’un paquet de chips au Bacon à un autre ami que le bacon c’était du cochon, et il m’avait sorti « Faut pas que mes parents le sache ! » tout en continuant d’en manger parce que « C’est trop bon ! ».
J’ai signé un nombre incalculable de pétitions pour les droits des homos, je me suis énervé quand on leur disait « Vous vous mariez pas, mais on a fait le pacs, ça vous suffira ! », ça montrait qu’on ne les considérait pas à égalité avec les hétéros.
Souvent je me dis que mon principal défaut c’est de beaucoup parler, et de ne m’interdir aucun sujet, et quand je vois comment on me comprend de travers, comment tout le monde est sur la défensive, et sur le jugement à la va vite, je n’ai pas d’autre choix que d’encore plus parler pour essayer de m’expliquer… C’est un cercle vicieux, mais vu que ne pas parler du tout ça ne m’avancerait à rien…