Bébés nés sans bras : De quoi parle-t-on ?

Share Button

Si vous êtes passé à côté de cette affaire, je vais essayer de résumer tout ça tant bien que mal.

Fin septembre, France 2 dans l’émission L’oeil du 20 heures parle d’un rapport résté confidentiel datant de 2014 par Emmanuelle Amar – qui travaille pour Remera (Registre des Malformations en Rhône-Alpes) – qui liste 7 cas d’enfants nés avec des malformations aux membres supérieurs entre 2009 et 2014, sans causes ou lien particuliers, dans un rayon de 7 km autour du village de Druillat, France 2 parle également d’autres signalements en Bretagne et en Pays de la Loire.

A partir de ça, une sorte de polémique monte, et des articles sortent un peu partout par des journalistes qui tentent de relayer les faits et par d’autres qui tentent surtout de récupérer quelques clics, les réseaux sociaux rebondissent rapidement en partageant tout ça et les plus excités nous préparent les classiques cocktails à base de « on nous ment, on nous empoisonne ! », et ça prend plutôt bien.

On a donc notre buzz du moment : « Les bébés nés sans bras ».

Une fois que tout ça est lancé, d’autres parents témoignent et on apprend que le Remera allait fermer ses portes, ce qui implique que Emmanuelle Amar allait être licencié.

Alors là c’est parfait, d’autres cas pour relancer les clics, et puis on a même moyen de faire passer ça pour une affaire étouffé par le gouvernement, on peut y aller à grand coup de titres racoleurs :

Bébés nés sans bras : Un huitième cas découvert dans l’ain !

Bébés nés sans bras : la lanceuse d’alerte a reçu sa lettre de licenciement

Oh que ça donne envie de cliquer tout ça !

Après avoir vu un article indiquant « Huitième cas dans l’Ain », j’ai décidé de chercher rapidement quelques chiffres…

Dans un premier temps, bébé né sans bras c’est un peu vague non ? De quoi parle-t-on exactement ?

En cherchant un peu sur le sujet, je trouve le terme agénésie, qui est donc une malformation des membres supérieurs, donc ça concerne les bras, et ça peut allé d’un bras manquant, d’une main, d’un ou plusieurs doigts. Le huitième cas dont parle l’article justement est né sans doigts, le titre est donc faux, mais c’est le nom de cette affaire et il faut attirer les gens.

Ensuite, est-ce que 8 cas sur une période de 5 ans dans un département comme l’Ain c’est vraiment énorme ?

Donc si on va plus loin que le titre, on parle de 8 cas sur une période de 5 ans entre 2009 et 2014, depuis pas d’autres cas indiqués ou alors pas encore.

En cherchant des chiffres sur l’agénésie, il y a en France 150 cas par ans.

L’Ain est le 42ème département en terme de population, sur 96 départements.

La moyenne devrait être de 1,5625 cas par département, avec 8 cas en 5 ans, l’Ain est pile dans la moyenne, avec 1.6 cas par an.

Je pourrais élargir à 8 cas sur une période de 9 ans, en partant de 2009 et en allant jusqu’à 2018, puisqu’on n’a pas de cas déclarés depuis 2014, ça donnerait une moyenne de 0.8 cas par an, la moitié de la moyenne.

Santé publique France a d’ailleurs publié plusieurs rapports détaillant ces chiffres, et indique qu’il n’y pas plus de cas par rapport à la moyenne nationale, le même constat que je viens de faire en quelques recherches.

Est-ce qu’on vire vraiment une lanceuse d’alerte ? On nous cache quelque chose ?

Plusieurs articles nous disent qu’Emmanuelle Amar a reçu sa lettre de licenciement, et finalement on apprend fin octobre que la procédure de licenciement a été suspendue.

On licencie une lanceuse d’alerte ? Pas vraiment. En cherchant, j’ai lu que cette procédure de licenciement des salariés du Remera avait été mise en œuvre pour cessation d’activité, au 31 décembre 2018, suite à l’arrêt de ses principaux financements.

En gros, on licencie les gens parce que ça va fermer, et ça n’a pas l’air vraiment consécutif à un lancement d’alerte, puisqu’il est question au départ d’une émission qui parle d’un rapport datant de 2014.

Alors, de quoi parle-t-on au juste ?

On parle d’enfants malformés et on joue avec les peurs de parents ou futurs parents.

Mes recherches ne sont pas particulièrement rigoureuses, mais je ne suis pas un journaliste chargé d’écrire sur ce cas, et autant il y a quelques articles bien écrits, autant certains se s’embêtent pas du tout à savoir ce que représentent vraiment les chiffres dont ils parlent.

Les principaux journaux ne s’avancent pas à dénoncer qui que ce soit, ils laisseront faire les réseaux sociaux, qui n’hésiteront pas à dire que c’est à cause de tel ou tel herbicide, ou pourquoi pas des vaccins qu’on a imposé aux parents, comme je disais en introduction, le cocktail classique.

Et pourquoi cette affaire ? Parce qu’il est question du Remera, le Registre des Malformations en Rhône-Alpes et de sa fermeture parce qu’il ne sera plus financé.

Les questions qui restent sont les suivantes :

Pourquoi on ne peut ou ne veut plus financer le Remera ? Le Remera faisait bien son travail ? Si oui pourquoi le fermer ? Le ministère de la santé n’a plus d’argent ? Dernièrement ce n’est pas vraiment l’impression que ça donne…

S’il n’y a plus de registre, qui comptabilisera les cas de malformations ? Est-ce qu’il y a un registre national qui le fera ?

Car compter les cas et les référencer nous permettrait de voir les zones les plus atteintes, on pourrait chercher à savoir pourquoi, et peut-être trouver des solutions, c’est le but de tout ça.

Donc c’était important d’en parler, pas juste pour le clic, mais pour réfléchir, j’aurais souhaité moins de titres racoleurs et un peu plus de recherches dans les articles, pour éviter d’avoir encore l’impression qu’on a un travail très scolaires du style « Vous me ferez 150 mots sur les bébés sans bras pour demain ! ».

Heureusement, il y a quelques bons articles et au final quand on s’attarde un peu sur le sujet, on a vite fait de se sortir des conneries des réseaux sociaux et savoir un peu plus de quoi on parle.

Share Button